14e Dimanche du Temps Ordinaire
6 Juillet 2025 – Année C
Partages d’Évangile des missionnaires
Jésus est en route vers Jérusalem. Dans la foulée des événements, les disciples sont envoyés en mission. Après celle des Douze, relatée dans le chapitre précédent (9, 1-6), saint Luc raconte l’envoi en mission d’un autre groupe constitué de soixante-douze disciples. Ce passage regorge de richesses théologiques, éclairant puissamment notre vie ecclésiale et missionnaire. Trois dimensions y retiennent notre attention : l’universalité de la mission, le détachement radical et la confiance.
En premier lieu, soulignons la portée symbolique du nombre soixante-douze. En écho au chapitre dix de la Genèse, qui dresse la liste des nations issues de Noé après le déluge, certains y voient le signe de l’universalité : les soixante-douze représenteraient toutes les nations. Cela s’accorde pleinement avec l’un des axes majeurs de l’Évangile selon saint Luc : l’universalité du Salut. Ainsi, des exégètes interprètent cette mission comme une préfiguration de celle des apôtres dans les Actes, amorcée par les Douze, prolongée par d’autres figures telles que Paul, Barnabé ou Silas, porteurs de la Bonne Nouvelle aux confins du monde.
Deuxièmement, l’envoi “deux par deux” n’est pas anodin : le chiffre deux évoque l’équilibre, la complémentarité et l’importance des relations fraternelles dans toute œuvre missionnaire. La mission n’est jamais solitaire ; elle appelle à la communion, au soutien mutuel et à la coresponsabilité.
Vient ensuite l’exigence de dépouillement. Il leur est demandé de partir sans bourse, ni sac, ni sandales : signe d’une confiance absolue en la Providence. Ces consignes résonnent profondément dans plusieurs courants spirituels ayant marqué l’histoire de l’Église. Ainsi retrouvons-nous saint François d’Assise, épousant Dame Pauvreté, ou encore saint Louis-Marie Grignion de Montfort et la bienheureuse Marie-Louise, allant avec humilité et simplicité à la rencontre des pauvres de l’hôpital de Poitiers. La mission devient ici un acte de dépendance totale à Dieu : avancer avec audace, comme un agneau au milieu des loups, porté par une humble confiance.
Enfin, cette confiance née de l’abandon fonde une paix intérieure profonde, qui nourrit la joie et s’enracine dans la Parole. Il est triste de constater que notre monde s’enlise encore dans la logique de “qui veut la paix prépare la guerre” oubliant que la préparation de la guerre ne mène pas nécessairement à la paix : Qui veut la Paix doit au contraire preparer la Paix. Comme les soixante-douze envoyés pour annoncer la Paix — signe tangible de la présence du Royaume — l’Église est aujourd’hui plus que jamais appelée à devenir souffle nouveau de paix authentique. Une paix qui donne l’élan d’annoncer, de préparer les cœurs et de tracer des chemins vers le Seigneur. Mais pour pouvoir la transmettre, encore faut-il en être profondément habité.
En résumé, l’Évangile de ce dimanche nous invite à revisiter la qualité de notre engagement missionnaire. Trop souvent, notre vie ecclésiale tend à se refermer sur elle-même, dans un confort routinier. Il est urgent d’élargir l’horizon, d’embrasser les périphéries, d’embraser les cœurs. L’Évangile ne s’adresse pas à quelques convaincus, il est destiné à toutes les nations, à chaque être humain, sans distinction.
P. Jackson Fabius, smm